[Candidature] Edanareth Tuh'laan

Senak Al’Ganek Al’Pahola était au dire de toute la population lettrée d’Hurlevent un homme sérieux, érudit, et de toute évidence un bibliothécaire de premier plan comme l’Ordre n’en avait plus connu depuis des décennies. Sous des traits avenants et des tempes grisonnantes se cachait une implacable machinerie qui dirigeait d’une main de fer les rayonnages de la Bibliothèque des Quatre Familles, depuis les Salles Communes jusqu’aux Archives Anciennes. Il n’était pas un seul livre dont il ne pouvait se remémorer non seulement l’emplacement exact, mais également les détails les plus subtils et les citations les plus obscures.

Son allure affable n’en faisait pas pour autant un homme sympathique, et l’on disait à son sujet qu’il ne s’embarrassait d’amabilités que s’il sentait chez le lecteur cet amour minutieux du livre qui l’habitait lui-même. La plupart du temps, il restait reclus dans un coin sombre de la vaste salle, caché par un énorme bureau qui devait avoir traversé plusieurs guerres tant il semblait branlant. On l’y trouvait toujours là, invariablement absorbé par la cotation d’un ouvrage, la main caressant le cuir écorné d’une couverture ou le regard perdu dans le vague. Lorsqu’on l’abordait pour une question ou une recherche, sa langue s’échappait d’abord de sa bouche et glissait sur ses lèvres de gauche à droite, dans un mouvement qui semblait parfois interminable. Puis, subitement, l’homme se levait et se dirigeait avec une précision infaillible vers le rayonnage qu’il souhaitait atteindre. Sa main glissait alors sur les tranches et les parchemins et retirait avec fulgurance l’ouvrage qu’on lui demandait, en prenant soin de ne pas l’abîmer. Enfin, il annotait le nom de l’emprunteur, et retournait s’asseoir sous la voûte sombre qui accueillait ses journées. Senak ne se trompait jamais.

Cependant, il avait fort peu l’occasion de converser, et ne trouvait que peu d’interlocuteurs de valeur. Il détestait les nobles, qui se complaisaient si souvent dans une fatuité issue d’une supposée connaissance, et n’aimait guère les visiteurs habituels non plus, parce qu’ils ignoraient la valeur d’un livre et ne juraient que par la valeur des mots. Les membres de la Plume ou de l’Essence étaient de loin les plus fréquentables, mais ils étaient généralement absorbés par des tâches de haute importance, et n’avaient guère le temps de parler au maître des lieux. Cette situation ne le chagrinait pas. Ses livres suffisaient largement à son bonheur.

Depuis plus de quatre mois cependant, ses journées avaient pris une tournure toute différente. Chaque matin, dès l’ouverture, il se figeait devant la porte et observait l’entrée des premiers lecteurs, espérant apercevoir cette tête cornée et pâle qu’il connaissait bien à présent. Et il savourait d’avance le plaisir d’échanger trois mots, à la dérobée, avec cette jeune femme qui ne manquait jamais à l’appel et étudiait avec une ferveur qu’il ne pensait plus revoir. Elle s’était présentée un jour devant son bureau, timide et comme impressionnée par l’atmosphère solennelle et stricte du lieu, et leur première discussion avait fait naître un intérêt d’esprit inhabituel chez le bibliothécaire. Il pouvait se souvenir avec précision des premiers mots de la jeune Draeneï, timide et gauche dans sa prononciation :

« Bonjour. Monsieur. On m’a demandé d’étudier ici. Pouvez-vous me recommander un livre pour débuter ?

- Que souhaitez-vous apprendre ?

- Tout, Monsieur.

- Tout ? C’est beaucoup pour une jeune femme. Gagnons du temps, alors. Que savez-vous déjà ?

- Je l’ignore. Peut-on jamais être sûr de savoir quelque chose ?

- Cela dépend. Cherchez-vous la connaissance, ou la vérité ?

- La vérité est dans la Foi. Je veux apprendre tout le reste.

- Attendez ici.


Senak s’était surpris à sourire. Il s’était absenté quelques instants, puis était revenu avec un ouvrage volumineux. Il l’avait tendu à la jeune femme, et avait scruté avec attention le moindre de ses mouvements. A sa surprise, loin de feuilleter immédiatement le volume, la Draeneï avait d’abord porté le livre à son nez, humant longuement la couverture, avant de l’observer sous tous les angles possibles avec une application extrême. Elle avait fini par conclure :

« C’est un bon cuir. La reliure est de qualité, et l’encre de bonne facture. L’homme qui a fait ceci y a mis du cœur. Quel est son auteur ? Est-ce un autographe ?

- Il se nomme Abrahm Gauphron Al’Fier Al’Tenea, et vous tenez dans vos mains une copie de son plus célèbre ouvrage. Il traite d’histoire, et de symboles. C’est une bonne base.

- On ne peut jamais vraiment comprendre l’histoire sans déchiffrer la symbolique d’une époque, n’est-ce pas. Cet Abrahm est un homme clairvoyant. Peut-on le rencontrer ?


- Non, par la Lumière, non. Il est mort depuis longtemps, mais son œuvre reste essentielle.

Il y avait eu un silence. Senak se souvenait qu’il avait été désolé de le briser.

- Au fond de cette allée, vous trouverez des tables d’études. Si tôt dans la journée, elles sont délaissées encore. Comptez-vous venir souvent ?

- Tous les jours, Monsieur. Je m’appelle Edanareth Tuh’laan. Merci beaucoup..

Sans un mot de plus, la jeune Draenei avait disparu derrière une haute étagère, et Senak ne l’avait revu qu’aux toutes dernières lueurs du jour, lorsqu’elle avait souhaité rendre l’ouvrage. Elle s’était ensuite présentée, chaque matin, dès l’ouverture, avec la régularité la plus extrême, sollicitant sans cesse l’avis du bibliothécaire, consumant des journées entières dans l’apprentissage et la lecture avec une passion si forte qu’elle en oubliait souvent de manger, discrète et peu soucieuse de converser. Senak crut avoir enfin trouvé quelqu’un de son espèce.


Ce matin encore, elle fut la première à faire grincer les gonds de la vieille porte qui manquaient d’huile. Senak ne se cachait plus pour l’attendre, et la salua respectueusement.

« Quel ouvrage puis-je vous proposer, ce matin ?

- Aucun à vrai dire. Je venais vous dire que je ne serai pas là aujourd’hui, et j’espère que vous me le pardonnerez, Monsieur.

Senak resta silencieux un instant, déconcerté, avant de reprendre.

« Avez-vous des problèmes qui vous empêchent d’étudier ?

- Non, c’est que je désire entrer au service de l’Ordre des Quatre Tours, et que je dois me rendre à l’Intendance.

- Vraiment ? C’est la lecture du Nouveau Livre qui vous a décidé ?

En guise de réponse, la Draenei esquissa simplement un sourire, et Senak se décida à ne pas être plus curieux. Après tout, cette décision lui convenait parfaitement.

« Puisse la Lumière vous aider en ce cas, Edanareth. »

Senak observa avec émotion la jeune femme se plier en une Athimie parfaite et se retirer en prononçant le traditionnel « Galâad Dar Anmar I Dûr Arith Dâr » comme si elle avait toujours fait partie de l’Ordre, puis s’installa en soupirant sur sa chaise.

Quant à Edanareth, elle se trouva quelques instants plus tard dans l’Antichambre, affrontant la mauvaise mine d’Aniaë et attendant avec une vague appréhension quant à l’entretien qui allait suivre.

Nom : Edanareth
Race : Draeneï
Classe : Prêtre
Niveau : 60

[HRP] Normalement non [/HRP]

eda est un des rerol d'Assahab , donc cela m'etonnerait

[HRP]

Je confirme, personnage effacé!

[/HRP]