L'Ordre des Quatre Tours
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 La fin de l'Hiver.

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Assahab
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Assahab


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MessageSujet: La fin de l'Hiver.   La fin de l'Hiver. Icon_minitimeVen 29 Mai - 14:42

[Note] : Ce petit texte a déjà été déposé par ailleurs, mais sa place la plus appropriée est ici.

I. Ethel

« Par la Lumière, Sakha ! Je ne vais pas geler sur place pour un stupide colifichet ! Relève-toi, de grâce, suis-moi enfin. La lumière décline déjà, et nous n’avons toujours pas rejoint le col. Les loups s’éveillent…»


Le poing d’Ethel se resserra sur la garde de son épée damasquinée, et le jeune homme tenta de percer le voile tourbillonnant qui dansait devant ses yeux. Autour de lui, le blizzard écumait de rage, et les expirations glaciales de ce monstre fouettaient son visage et agrippaient sa fine capuche de lin pour la rejeter sans cesse en arrière. Il fallait continuer, il le savait. Bientôt, les hurlements lugubres de bêtes affamées qui rôdaient dans ces montagnes hostiles déchireraient l’air. De plus, il doutait de trouver un quelconque fortin pour s’y réfugier, le temps d’une nuit. L’idée de sentir les crocs déchirer sa chair le fit grimacer. Sa main se posa fermement sur l’épaule de sa sœur pour la forcer à se redresser. Mais ni ses imprécations, ni le contact de son gant avec la robe pétrifiée de glace de la jeune fille n’eurent raison de son l’entêtement.

A genoux, les doigts gourds et les lèvres déjà bleues, fouillant avec une frénésie maladroite l’océan vierge qui se renouvelait sans cesse, Sakha versait des larmes tièdes qui se mêlaient au sang de sa blessure. Quelques instants plus tôt, ses jambes tiraillées par la fatigue l’avaient trahies, et en tombant son bras avait heurté l’angle aigu d’une pierre tapie sous le lit de neige. Elle en avait perdu son collier, qui appartenait à sa chère mère, et auquel elle était manifestement fort attachée. Depuis, ses yeux recherchaient désespérément la fièvre ocre du cuivre dans la boue rose qui s’étendait lentement sous elle.

Ethel grommelait d’impatience et d’inquiétude lorsque soudain, son œil crut aperçevoir un éclat doré fendre l’espace. Au loin, une longue plainte s’éleva, fracassant les parois abruptes et secouant la montagne. Loin de le paralyser, la peur lui octroya la force dont il manquait jusque-là pour tenir tête à sa sœur. D’une main ferme, sans tenir compte de ses protestations, il la traîna d’abord vers les sommets invisibles, sans précisément savoir où il allait. En cet endroit où presque personne ne passait jamais, le chemin avait complètement disparu. Très vite, un second hurlement répondit au premier, puis un troisième. Bientôt, ce fut un chœur bestial et funeste qui accompagna leur fuite effrénée. Leurs échos s’emmêlaient dans une danse si folle qu’il était impossible de deviner d’où ils venaient précisément. Les crampes mettaient au supplice les jambes d’Ethel, et cependant, les hoquets tristes et le bras tiède de sa sœur lui donnaient le courage d’avancer encore plus.

Ethel s’arrêta tout à coup, saisi d’appréhension, et l’éclat froid de sa lame brilla dans son poing. Une ombre se dessina à quelques mètres sur sa gauche, et il eut à peine le temps de se retourner pour apercevoir une masse grise gigantesque fondre sur lui et deux yeux aux reflets écarlates fixer intensément sa gorge. Loin de se défendre, sa main s’en trouva tétanisée, et il entendit tomber sourdement son épée au sol. L’idée de sa sœur gisante, les entrailles chaudes livrées en pâture à une horde terrible révolta ses sens, mais il était déjà trop tard. De ce qui suivit, des griffes lourdes et noires qui lui labourait la poitrine, de la gueule haletante qui lui brisa le nez, il n’eut guère conscience.


***


Un crépitement sourd berça ses oreilles lorsqu’il reprit enfin conscience. Sa main se porta immédiatement à sa poitrine, horriblement douloureuse, qu’il découvrit cependant revêtu d’un mince linge qui ne lui appartenait pas et qui était zébrée de sang.

« Tu n’a pas arrêté de te débattre, pendant ton sommeil. J’ai dû refaire le pansement plusieurs fois. La blessure est profonde, et tu devrais rester immobile, en attendant qu’il revienne. »

Il ? La curiosité submergea Ethel, et il ouvrit grand les yeux pour observer l’endroit où il se trouver. Il croisa d’abord le regard soulagé mais grave de Sakha, assise sur une espèce de vieille souche au chevet de son lit, et qui semblait mélanger du miel à du lait dans un bol en bois rudimentaire. La pièce où ils se trouvaient était étroite, froide malgré le feu nourri qui animait l’âtre, et comme taillée dans la roche. Le plafond était bas et parcouru par de longues poutres vermoulues qui semblaient devoir s’effondrer à chaque instant. En son centre, au sol, une sorte de vitrail mal poli courait en spirale, lézardant la pièce tel un curieux ruban coloré. Pour le reste, le lit de paille et l’entame de tronc qui accueillait Sakha constituaient l’intégralité du mobilier de la pièce.

« Où sommes-nous ? Que s’est-il passé ?», demanda enfin Ethel, brûlant de curiosité. A ces mots, sa sœur se renfrogna et fixa le sol un long moment avant de répondre.

« Je ne sais pas exactement où nous sommes. En pleine montagne, voilà qui est sûr. L’homme qui nous a recueillis, il m’a affirmé que nous prenions bien plutôt la direction des cimes que celle du col et qu’au milieu de ce blizzard le froid nous eût certainement emportés! »

- Mais lui, qui est-il ? Il nous a sauvés, poursuivit fiévreusement le frère ?

- Oui, oui, assurément. Le loup t’avait déjà rejeté au sol, et ses crocs allaient s’enfonçer dans ton cou quand j’ai entendu une détonation. La bête s’est effondrée sur toi, et là dessus, l’homme est arrivé, emmitouflé dans un long manteau blanc. Il s’est chargé de te porter jusqu’ici après, mais nous n’avons pas dû échanger seulement trois phrases. Il est pour le moins renfermé. C’est un vieil ermite sûrement, qui n’a pas l’habitude de rencontrer des jeunes gens.

- Eh bien qu’importe, nous lui devons la vie, et rien ne saurait être assez pour le remercier.

Sakha hochait pensivement la tête lorsque la porte de chêne s’ouvrit, et laissa passer l’homme, qui avait troqué le manteau noir contre une chemise de lin. Ses hautes bottes de cuir lacées autour de ses mollets ne l’avaient cependant pas quittées. Sakha s’empressa de sourire en inclinant la tête, et Ethel s’essaya à le remercier.

- Monsieur, il n’est pas de mot assez chaleureux pour vous exprimer toute notre gratitude, à Sakha, et à moi. Sans vous, c’est l’estomac de ces bêtes qui nous auraient emportées au col. Ma vie est à votre service.

- Garde-toi de jamais mettre ta vie au service d’une cause, jeune homme. Il se peut qu’elle t’emprisonne contre ton gré, et fasse de toi un monstre.

L’homme avait répondu, d’un ton relativement neutre où perçait une vague amertume, et qui n’était pas sans froideur. Ses yeux pâles pétillaient cependant de sympathie, mêmes s’ils semblaient envahis de lassitude, retirés dans leurs orbites et entourés de cernes profondes. De lourdes rides découpaient ses joues, et ses cheveux grisonnant indiquaient un âge qui semblait avancé.

- Quoi qu’il en soit, bredouilla Ethel, merci. Je suppose que nous pourront repartir dès que le temps sera plus clément.

- Le ciel ne connaît aucune clément ici, repartit l’homme, et il n’est pas un jour où la terre ne gémit pas sous la lame du vent. Quant à toi, tu as dormi quatre jours complets, et il te faudra encore sept jours avant de pouvoir seulement te lever.

La fierté d’Ethel en fut piquée, et il tenta de se redresser. La douleur fut si vive cependant qu’il gémit pitoyablement et retomba sur lourdement sur l’oreiller. L’homme s’inclina alors devant Sakha, dans un geste d’une étonnante élégance, trop plein de maîtrise pour un homme qui vivait ainsi retiré.

- Restez. Tant que ton frère ne pourra quitter son chevet. Mais je dois vous prévenir, je suis de fort mauvaise compagnie, je le crains.

- En ce cas, permettez-moi de vous aider dans vos tâches, Monsieur, proposa Sakha, tremblante de reconnaissance.

- Du travail ? Ce serait m’ôter ma pénitence, il n’en est pas question. Repose-toi, et veille sur ton frère, il gigote tant qu’il aura très bientôt besoin de sa sœur pour renouer efficacement son bandage. Je pars chasser, restez ici, et il ne vous arrivera rien.

Sans attendre de réponse, l’homme porta machinalement la main sur son cœur, en sembla subitement troublé, et se retira précipitamment.

- Notre hôte, c’est un homme bien curieux, marmonna Sakha. Il a certaines manières qu’on ne verrait qu’à Hurlevent.

- Un traître qui aura choisit l’exil, voilà ce que j’en pense, objecta Ethel, le regard sombre. Prions pour qu’il ne nous revende pas à quelque marchand d’esclave.


Sakha fit mine de protester, mais les paroles de son frère l’avaient emplies d’appréhension. Après tout, ils se trouvaient entièrement à la merci de cet homme, perdus quelque part dans la montagne, et son comportement était décidément bien étrange.

Cherchant à nouveau à se relever, Ethel grogna de douleur. Un mince filet de sang coula le long du lit.
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